Si vous vous êtes intéressés au Genji Monogatari que j'avais évoqué il y a quelques temps, vous savez certainement de quoi nous allons parler.
Le jûni-hitoe (十二単, douze hitoe) est le nom donné à la tenue portée par les dames de cour de l'ère Heian (794 - 1185).
Contrairement à ce que beaucoup pensent, au Japon, on ne bandait pas les pieds des jeunes filles pour les empêcher de gambader comme il y a encore peu en Chine. La technique "d'emprisonnement" des femmes nobles était bien plus subtile. Vous allez constater qu'il faut bien deux personnes pour recouvrir la courtisane ou la noble d'un nombre "incalculable" de couches de vêtements, telle une jolie poupée.
Vous avez d'ailleurs peut-être pu assister à ce spectacle lors de la Journée de la Femme 2007 où le Japon était à l'honneur.
Pour ceux qui ne connaissent pas du tout, je vais appuyer les documents multimédias de mon petit commentaire et vous noyer de termes japonais compliqués :p
Il existe des variantes de l'enchaînement qui suit, notamment par rapport aux occasions, dates et événements.

Lors des démonstrations publiques, la personne porte déjà un kosode (小袖, sorte de chemise de dessous) blanc et un hakama (袴, le pantalon) rouge à traîne déjà particulièrement lourd (voir la photo ci-contre). On ajoute ensuite plusieurs hitoe (単, kimono non doublé), longs, de couleur assez claire et unie pouvant être précédés d'un kimono assez semblable aux actuels appelé akome (袙). Vient alors l'uchigi (袿), une série de kimono de couleur plus vive et aux manches emboîtées successivement plus courtes, ce qui crée l'effet de superposition. Puis, on enfile un uwagi (表衣), kimono de dessus de couleur plus contrastée, et, dans les occasions plus formelles, on ajoute encore une traîne appelée mo (裳). On recouvre finalement le tout d'un karaginu (唐衣, veste de brocart) dans les manches duquel s'emboîtent toutes les autres.
Les accessoires finaux sont l'éventail (扇, ôgi) et une petite pochette qui se range dans l'encolure. On soigne évidemment aussi la coiffure, mais les dames de Heian portaient les cheveux en cascade dans le dos.
Pour règlementer l'harmonie de ce costume composé de nombreuses couches colorées, on créa un schéma de couleurs appropriées, le kasane no irome, que vous pouvez consulter sur ce lien en anglais.
Au final, le costume pèse dans les 20 kilos. On comprend donc pourquoi les femmes de cour de cette époque se sont passionnées pour l'écriture plutôt que pour le sport ^^'

Dans l'intimité, elles portaient une version "simplifiée" de ce costume, sans karaginu ni mo, et qui ne comptait que cinq couches de hitoe au lieu de douze, d'où son nom ko uchigi (小袿).

Je noterai juste pour finir qu'il vous est possible de voir ces costumes lors de défilés au Japon tels que le Jidai Matsuri de Kyôto. Il faut également savoir que cette tenue est connue sous d'autres noms tels que : kasane gi, nyôbô shôzoku, karaginu shôzoku ou tout simplement shôzoku.

Voici quelques vidéos qui vous montreront la complexité de l'habillage du jûni-hitoe ainsi que la difficulté de se mouvoir avec :




Voir la première photo en grand. Voir la deuxième. Voir la troisième. - Auteur : CarolienC. Voir plus de photos de cette session.
Voici une dernière vidéo plus longue qui montre l'habillage de façon plus détaillée destinée aux non migraineux car le type bouge beaucoup avec son caméscope...
Voir la catégorie commons de Wikipédia.
Voir le costume masculin de l'époque.