Quand il m'arrive de parler des Japonais, beaucoup de gens me demandent quelle est leur confession religieuse.
La religion d'Etat n'est-elle pas le shintoïsme ? Ils doivent donc être shintoïstes ! Mais, et le bouddhisme zen, si populaire chez nous, alors ?
A vrai dire, ils sont depuis longtemps les deux à la fois, et même plus ! car, selon la conception japonaise, "l'un n'empêche pas l'autre". Cela expliquerait un tel questionnement déroutant.

Tout d'abord, le statut officiel du culte shintô prend fin avec la Seconde Guerre Mondiale, lorsque l'empereur renonce à sa prétention divine. Cette religion a donc le même statut que les autres sur le territoire.
La conscience religieuse des Japonais est très particulière car elle est très proche de la superstition. Chez eux, la religion s'est fondue avec la tradition depuis longtemps. En fait, il n'y a pas de corrélation entre religieux dans le sens occidental et traditionnel. De notre point de vue idéologique, les Japonais sont souvent considérés comme des athées.
Bien que les philosophies bouddhiste et confucianiste aient grandement influencé la mentalité des Japonais, il n'y a pas de rapport avec les croyances. Elles ont pénétré la société en tant que simple système moral.

Ainsi, tout au long de sa vie, le Japonais moyen fréquente des lieux religieux de toute confession en fonction des occasions. "Le Japonais naît shintoïste, meurt bouddhiste. Pendant sa vie et suivant le cas, il profite de n'importe quelle religion." Cette citation illustre bien le comportement japonais classique.
On amène généralement le nouveau-né au sanctuaire shintô. Par la suite, ils se rendent indifféremment au sanctuaire ou au temple bouddhique, selon les occasions ou la proximité du lieu, pour prier pour la rémission d'un malade, la réussite d'un concours scolaire ou encore une fête traditionnelle.
Le mariage japonais peut se résumer à un simple document déposé à la mairie mais, pour diverses raisons, le jeune couple peut se rendre sur un lieu "saint". La cérémonie shintô est la plus populaire mais beaucoup de Japonais vont se marier à l'Eglise catholique car ça fait plus chic et que c'est plus tendance, sans être catholiques ni même baptisés pour autant !
Les funérailles sont la partie de la vie spirituelle des Japonais la plus prise au sérieux. Comme les pratiques d'incinérations apportées par le bouddhisme au VIe siècle sont trop bien ancrées dans les moeurs, les Japonais ne font pas appel aux religions chrétiennes. Ils se tournent donc principalement vers les temples.

C'est à cause de ce comportement qu'il est impossible de faire des statistiques religieuses fiables au Japon car "si on ajoute tous les chiffres recensés, il y aurait 217 millions de fidèles sur 117 millions d'habitants" !

Cela nous renvoie face à un problème social actuel typiquement nippon. "Les huit millions de Dieux Japonais ne sont pas jaloux" écrit Hideo Kamata. Cela pourrait donc expliquer leur comportement religieux. L'aspect laïque de l'Etat depuis le XVIIe siècle (en dehors du règne de l'empereur Meiji et du début de celui de l'empereur Shôwa) permet également une grande liberté religieuse à son peuple. Celui-ci offre même des subventions aux divers groupes religieux qui se créent, les fameuses sectes. Il est important de différencier ce terme de sa définition occidentale car ces groupes sont rattachés à l'idéologie d'une des religions du pays et il n'est que rarement question de "grand gourou". Pour bien vous faire comprendre cette conception, sachez que le Zen est une secte bouddhique. On pourrait l'assimiler aux différents ordres catholiques, par exemple. Cela n'empêche cependant pas les dérives, mais elles ne sont pas plus importantes qu'ailleurs. Ainsi, il existe donc plus de 5000 nouvelles religions réparties sur environ 180000 de ces sociétés soit-disant religieuses.
Pourquoi un tel engouement ? En dehors des avantages fiscaux dont elles profitent, les Japonais de la société actuelle sentent le besoin de se regrouper pour créer des liens sociaux sous un prétexte quelconque, et pourquoi pas religieux. Ces groupes organisent des réunions, fêtes et autres activités qui occasionnent le contact humain. Un bon prétexte pour briser la solitude. C'est pourquoi les membres d'entreprises, appartenant déjà à un groupe, fréquentent rarement ce genre de "salons". Encore une approche très spéciale de la notion de religion.

Citations :
Les Japonais ne sont pas ceux que vous croyez..., Hideo Kamata

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