Si en Occident le nom d'Hiroshima nous évoque inexorablement les tristes événements de la fin de la Seconde Guerre Mondiale, il n'en est pas forcément de même pour les habitants du Japon pour qui Hiroshima est tout d'abord une ville, et en particulier pour ses habitants, bien que le traumatisme de la bombe atomique soit très présent chez les Japonais et en particulier chez les artistes. Nous penserons notamment au long métrage d'animation Akira ou encore aux courts métrages d'Akira Kurosawa Yume (Rêves).

Le pays des cerisiersC'est pour cela que la mangaka Kôno Fumiyo a accepté de réaliser le manga Le Pays des cerisiers, tel un devoir de mémoire.
L'intĂ©rĂŞt de cette Ĺ“uvre est de nous montrer l'impact du drame au sein mĂŞme d'une famille sur trois gĂ©nĂ©rations dans le cadre de leur vie quotidienne. L'histoire est parfois difficile Ă  suivre Ă  cause de sauts dans le temps assez intempestifs et parce que la famille en question se retrouve très Ă©clatĂ©e Ă  cause des dĂ©gâts de la bombe. C'est pour cela que je vais vous « spoiler Â» un peu l'histoire pour vous aider Ă  vous y retrouver et Ă  profiter pleinement du livre.

La première partie se situe dans le milieu des années 50. Nous suivons Minami et sa mère Fujimi, seules rescapées de la famille Hirano, le père Tenma et la petite sœur Midori étant décédés les 6 et 7 août 1945, la seconde sœur, Kasumi, ayant succombé deux mois plus tard et le seul fils de la famille, Asahi, ayant été placé puis adopté par de lointains proches. Ces deux femmes continuent de vivre depuis dans le traumatisme, se demandant pourquoi elles sont encore en vie. Cependant, Minami finira par être vaincue à son tour par la bombe en 1955.
Les deux autres parties se situent à notre époque (années 80-90) avec quelques flashback du passé. Asahi, de retour chez sa mère, rencontre Kyôka, une orpheline, rescapée elle aussi, adoptée entre temps et qui vit avec eux. Il finira par l'épouser et elle sera la mère de la narratrice de ces deux parties, Nanami, et de son frère Nagio. Nous ne verrons Kyôka qu'à l'intérieur des flashback car elle succombera elle aussi très jeune des conséquences de la bombe. Fujimi mourra de maladie à 80ans en 1987 mais personne ne mettra la bombe en cause. Il en va de même pour Nagio, qui est profondément asthmatique. La médecine ne reconnaît pas les causes des décès et des maladies mais les victimes subissent cependant une sorte de ségrégation de la part de la population bien portante.

Ce manga est très intéressant et n'est pas choquant malgré le sujet choisi, l'auteure étant elle-même facilement heurtée par les images d'archives et les films traitant du sujet. L'histoire n'en est pas moins poignante et contient quelques considérations criantes de vérité et d'amertume. Même si c'est une fiction, elle nous permet de réfléchir sur les conséquences d'un tel drame jusqu'au plus profond de chaque être et laissera un lecteur pensif derrière elle.

Bibliographie :
Le pays des cerisiers, Fumyio Kouno, Editions Kana, 97 p. (2006) ISBN 2-87129-928-5. Prix : 10€.